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Le blog de danne

Récits de vie, mémoire et fiction, assortis de quelques réflexions. Dans l’attente de vos remarques, et, pourquoi pas, de vos propres récits. Rendez-vous à la rubrique « commentaires ».

Téléphone , de mère en fille (2)

un an plus tôt. 

 

 

Les vacances d’été approchent. 
Comme chaque matin, Michèle est sortie. Quelques courses à la supérette, le pain, quelques fruits, et puis, si le temps s’y prête, si aucune douleur ne l’ankylose, elle pousse un peu plus loin, franchit les rails du tram, et un pas entraînant l’autre, trace une grande boucle qui peut aller jusqu’au bord du fleuve. 
Elle a du temps maintenant, elle aime ces errances, d’ailleurs le médecin lui a bien recommandé de bouger, le plus possible. Mais aujourd’hui, non, elle n’ira pas bien loin. 

Tiens, le téléphone. 
D’habitude elle laisse passer. Son portable est au fond du sac,  le temps de le sortir, la sonnerie est finie.  
D’habitude on laisse un message, elle rappelle si c’est important, si elle reconnaît l’expéditeur, elle rappelle plus tard, à moins qu’il ne s’agisse d’un de ces appels intempestifs qui pourrissent sa tranquillité. 
Mais cette fois ça insiste, un appel, puis deux, trois, quelle urgence ?
Qui s’obstine à gâcher sa promenade ?
Michèle s’arrête, extirpe fébrilement le portable du fond du cabas.

 Un appel WhatsApp. La sonnerie se prolonge, l’appel vient de loin, le réseau est capricieux. Il faut répondre. 
Elle l’aurait deviné. Le nom sur l’écran, une nouvelle photo, sur fond de plage : Mina bien sûr, la fille prodigue, qui appelle du bout du monde. 
D’habitude elle appelle plutôt le soir, souvent tard à cause du décalage horaire. D’ailleurs ça l’agace, Michèle, ces bavardages nocturnes qui s’éternisent. Elle n’a plus sommeil, elle va passer la nuit à repasser en boucle les soucis qu’on lui a confiés. Sinon, à quoi sert une mère ? Elle a pourtant fini par poser des limites à ces appels nocturnes. 
Mais maintenant il est 11h du matin, elle est sortie et voudrait bien continuer tranquille sa promenade. Quel problème cette fois ? 

Des grésillements, la rue est bruyante, le son est lointain, elle doit faire répéter.
  « Comment ça va ? Désolée je n’ai pas pu appeler ces derniers temps. Beaucoup de travail en cette fin d’année. Et puis je t’avais dit, on déménage. Tu imagines le chantier. Et toute une semaine sans connexion, ça marche mal, c’est mieux la nuit mais je veux pas te déranger, je sais que tu as le sommeil fragile. Oui tu as raison, fais attention à toi. C’est important de bien dormir. Ça va mieux maintenant, tes insomnies ?. Tu es trop anxieuse, il faut être zen. Tu continues le yoga ? Remarque je te comprends, je suis un peu comme toi avec l’âge, je dors mal, des soucis. J’ai été débordée ces derniers temps. Je suis fatiguée, j’ai mal au dos. Les filles sont pénibles, c’est la fin de l’année, elles sentent les vacances. 
- Oui, là je suis dehors, je suis fatiguée et un peu pressée, qu’est-ce qui se passe ?  on se rappelle plus tard s’il n’y a rien d’urgent.
Embarrassée. « C’est-à-dire, j’ai un petit souci ».
Quoi encore ?
  « c’est Mamoune, il y a un petit problème avec sa scolarité…. » . 

Fille de sa mère !  Et les « petits problèmes » que j’ai eus avec sa scolarité à elle, au même âge, se dit Michelle.
« Non, t’inquiète pas, elle passe en première, mais elle a eu des problèmes de comportement, j’ai été convoquée. Et elle a choisi une filière qui l’oblige à changer d’établissement. Dans l’autre lycée ils ne sont pas sûrs d’avoir de la place. Je m’y suis prise un peu tard,  j’attendais les résultats du 3ème trimestre . Et puis ma fin d’année était chargée, tu sais qu’on a déménagé, j’ai eu des problèmes de connexion. » 
Bref elle est coincée, à l’étranger. Mais quelle idée d’aller  vivre sous les tropiques quatre ans plus tôt, des rêves plein la tête ? Évidemment ça ne se passe jamais comme prévu.
Abrégeons.
« Réfléchis bien, je ne veux rien t’ imposer, j’ai même hésité à t’en parler ».
Et Michèle, sur le bord du trottoir, se voit proposer la garde de sa petite fille de 16 ans pour la durée de l’année scolaire. C’est important une année scolaire et ce n’est pas rien la responsabilité d’une fille de 16 ans.
 « En même temps elle pourra t’aider, tu seras moins seule…mais réfléchis bien. Je sais elle n’est pas toujours facile, elle est très désordonnée, pour l’école il faut surveiller, mais elle promet qu’elle fera de son mieux ».
 A-t-elle le choix Michèle ? Elle dit qu’elle va y réfléchir…et va la sortir du pétrin une fois de plus. 
Décidément, cette fille a l’art de se mettre dans des situations impossibles. A 45 ans comme à 18, arrive toujours le moment « maman au secours ». 
A chaque coup de téléphone Michèle se demande « quel problème cette fois ? ». 
Cette fois c’est urgent, des démarches à prévoir, un voyage à organiser, par chance le passeport vient juste d’être refait. 
Bien sûr elle n’est pas obligée Michèle.  Que de soucis en perspective. Et sa santé …mais comment refuser son statut de mère providentielle.

*

 

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