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Le blog de danne

Récits de vie, mémoire et fiction, assortis de quelques réflexions. Dans l’attente de vos remarques, et, pourquoi pas, de vos propres récits. Rendez-vous à la rubrique « commentaires ».

Téléphone, de mère en fille (8)

Comment faisait -on avant ?

 

Du temps où les séparations avaient un sens. 
Elle se revoit dans le grand dortoir, sa première semaine de pension. La famille n’est qu’à 10km, pour elle c’est le bout du monde. A qui raconter ses journées, ses réussites et ses chagrins ? Ni consolation, ni encouragement à espérer, elle est là abandonnée. « Ils» ne savent rien de sa vie qui peu à peu se détache de la leur. Une lettre hebdomadaire et les retours en fin de semaine n’empêchent pas cette distance qui s’installe entre celle qui est partie et ceux qui restent. C’est d’abord du chagrin, qui se transforme peu à peu en liberté. Elle leur échappe, de plus en plus à mesure que l’éloignement augmente, que les retours s’espacent. Elle s’étonne maintenant du détachement avec lequel ses parents, pourtant bienveillants, accueillaient ses réussites scolaires. Les mondes étaient séparés. 
« Pas de nouvelles bonnes nouvelles ». Dans son enfance le téléphone était réservé à l’urgence. Le téléphone appelait l’action. Avec le téléphone on « faisait venir le docteur » pour les naissances ou les accidents. On annonçait les naissances et les décès, on mettait en branle les festivités ou l’organisation des funérailles. Le premier qui recevait l’information la faisait circuler, et ainsi de proche en proche. Le télégramme porté en urgence suppléait aux faiblesses du réseau téléphonique réservé à l’époque à quelques privilégiés. Les plus chanceux habitaient près du bureau de poste qui faisait aussi cabine téléphonique. 
Michelle garde les réflexes du téléphone rare. Du téléphone évènement. Du téléphone urgence. Elle hésite à appeler sans bonne raison.  

 


Elle se souvient… Dans son village, sa grand-mère postière tient la cabine téléphonique. Des fiches enfoncées sur un tableau, la grand-mère en déplace une, ou deux, tourne une manivelle, décroche un combiné, demande au central du canton le n° du docteur, attend…La terne grand-mère devient magicienne des ondes, fée de la technique qui détient ce pouvoir de raccrocher son visiteur au monde. 
Mais peu à peu son monopole disparaît, un, puis deux, trois téléphones viennent lui faire concurrence.  Un petit entrepreneur, un négociant en noix se passent bientôt de ses services et ne rechignent pas à faire profiter leurs voisins de ce privilège, de la même façon que les rares propriétaires de voitures particulière ou des premiers téléviseurs. Leur prestige en est accru d’autant !
Elle en fait des récits pour les plus jeunes, accrochés à leurs clics et à leurs écouteurs.

L’histoire du téléphone. Au musée elle fait découvrir à ses petits enfants les lourds appareils qu’elle a connus petite fille. Leur raconte les cabines téléphoniques au sous-sol des bistrots parisiens retrouvés avec nostalgie dans les films « nouvelle vague », les cabines téléphoniques publiques où  se jouent au cinéma des suspenses insoutenables.  L’usage du téléphone sert d’ailleurs à dater un film plus sûrement encore que la mode vestimentaire. 
Elle ne se lasse pas de raconter aux petits enfants le premier téléphone installé au domicile, propriété des PTT, le temps qu’il a fallu attendre, le coût du téléphone aussi, les factures à surveiller. Et puis, miracle, l’éphémère Minitel, déjà détrôné par internet.
Et son premier portable, utile pensait-elle en cas d’urgence, en déplacement, à condition de trouver un réseau.

 

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